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15 février 2012

L'agriculture, facteur de déforestation en Afrique à l'âge du fer

 Lu pour vous dans www.pourlascience.fr 

GÉOSCIENCES

L'agriculture, facteur de déforestation en Afrique à l'âge du fer

L'étude de l'érosion des sols suggère que l'introduction de l'agriculture en Afrique centrale, il y a environ 3 000 ans, est en partie responsable de la raréfaction de la forêt tropicale survenue à la même époque.

Guillaume Jacquemont
Planetphoto.ch
Planetphoto.ch

L'introduction de l'agriculture expliquerait le remplacement de la forêt tropicale par la savane survenu dans plusieurs régions d’Afrique centrale, il y a 3 000 ans.

À voir aussi

Image courtesy of <i>Science</i>/AAAS
Image courtesy of Science/AAAS

Les Bantous se sont répandus en Afrique centrale depuis leur aire d’origine (en rouge) en plusieurs migrations successives (flèches oranges, puis jaunes). Les étoiles jaunes indiquent des changements majeurs de végétation, souvent un remplacement des forêts par des savanes. L'endroit où a été prélevée la carotte sédimentaire est noté KZAI-01.

Pour en savoir plus

G. Bayon et al.Intensifying weathering and land-use in iron age Central AfricaScience, en ligne le 9 février 2012.

L'auteur

Guillaume Jacquemont est journaliste à Pour la Science.

Il y a 3 000 ans, une partie de la forêt tropicale d'Afrique centrale a cédé la place à des savanes. On attribue souvent cette modification à un changement climatique local, les précipitations ayant diminué à cette époque. Selon Germain Bayon et ses collègues de l'IFREMER Bretagne, l'arrivée de peuples d'agriculteurs aurait aussi joué un rôle : en analysant une carotte de sédiments marins prélevée au large du Congo, ils ont montré que l'érosion des sols a augmenté brutalement il y a 3 000 ans, ce qui traduirait l'adoption de pratiques agricoles assez intensives pour transformer l'environnement.

Les sédiments de la carotte analysée ont été apportés par le fleuve Congo au cours des derniers 40 000 ans. Ils sont notamment constitués d'argiles, issues du bassin versant du fleuve (l'aire dans laquelle toutes les précipitations finissent par se déverser dans le fleuve). Les argiles sont des roches sédimentaires, qui se forment à partir des éléments libérés par l'érosion chimique – l'ensemble des processus chimiques qui dissolvent les minéraux, notamment via les pluies – de roches mères silicatées, tel le granite. Elles sont ensuite altérées par une érosion dite physique et transportées en suspension par les cours d'eau jusqu'à l'océan.

La composition des argiles reflète l'intensité de l'érosion chimique. Lorsqu'ils sont dissous, certains éléments très mobiles des roches mères, tel le potassium (K), sont directement évacués par les eaux de ruissellement jusqu'aux cours d'eau puis aux océans, tandis que d'autres, tel l'aluminium (Al), restent majoritairement dans le bassin versant, où ils sont incorporés aux argiles. Plus l'érosion chimique est intense, plus elle évacue le potassium, et plus les argiles qui se forment dans le bassin versant ont une proportion Al/K élevée. Or il y a 3 000 ans, cette proportion a augmenté brutalement, et de façon non corrélée aux fluctuations environnementales.  

Cette discontinuité aurait aussi pu résulter d'un changement d'origine des sédiments, par exemple suite à une réorganisation hydrographique du bassin versant – de nombreux fleuves ont connu une telle réorganisation dans le passé. Les chercheurs ont donc analysé le rapport entre les proportions d'isotopes d'autres éléments, tel le néodyme, qui permet de déterminer la provenance des sédiments : en effet, chaque partie du bassin versant a une signature isotopique distincte, dépendant principalement de l'âge des roches qui la composent. G. Bayon et ses collègues en ont conclu que les sédiments ont gardé une origine constante et que le changement de composition des argiles il y a 3 000 ans est bien dû à une intensification de l'érosion chimique.

Les vestiges archéologiques montrent qu'à cette époque, les Bantous, un peuple d'agriculteurs maitrisant la technologie du fer, sont arrivés en Afrique centrale. Ils ont profité du changement climatique, grâce auquel certaines espèces de céréales ont pu être cultivées dans la région ; ce changement a sans doute aussi ouvert des couloirs de migration, en entraînant le remplacement de certaines forêts par des savanes, comme l'attestent les pollens d'herbes retrouvés dans les sédiments lacustres. 

G. Bayon et ses collègues pensent ainsi que l'introduction des pratiques agricoles a favorisé l'érosion chimique. Le labour, par exemple, rend les terres moins compactes et plus vulnérables au lessivage par les pluies. L'intensité de l'érosion montrerait que ces pratiques étaient assez importantes pour transformer l'environnement. Dans leur quête de nouvelles terres à cultiver, les Bantous auraient coupé de nombreux arbres, accélérant la déforestation enclenchée par le changement climatique.


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