Afrique-France : Un ancien ambassadeur au Sénégal parle
Le premier à déchirer le voile du silence, c'est Jean-Christophe Rufin. Médecin humanitaire, écrivain académicien, ambassadeur sui generis. Depuis trois ans, il représentait la France au Sénégal. Dans deux entretiens, à une radio sénégalaise puis dans le quotidien Le Monde, Rufin a mis les pieds dans le plat : « C'est un ministère sinistré, les diplomates sont dans le désarroi le plus total car ils ne se sentent pas défendus. » « Affaiblissement » Comme pour doubler la dose, deux anciens ministres sont montés au créneau, toujours dans Le Monde. Alain Juppé et Hubert Védrine tirent la sonnette d'alarme sur les nombreuses restrictions budgétaires imposées depuis longtemps et parlent d'un« affaiblissement disproportionné », à la veille d'un nouveau tour de vis. « L'effet est dévastateur : l'instrument est sur le point d'être cassé », avertissent les deux anciens ministres, l'un de droite, l'autre de gauche. « Tous nos partenaires s'en rendent compte. » Voilà pour le volet financier. Mais Jean-Christophe Rufin a aussi mis en cause le fonctionnement de la diplomatie française sur les questions africaines. En 2007, fraîchement nommé ambassadeur à Dakar, il espérait un nouveau cours dans les relations France-Afrique. Aujourd'hui, il se déclare déçu et conteste ouvertement Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée, qui gère souvent directement les dossiers les plus sensibles avec les pays africains, au Gabon ou au Sénégal. Le deuxième réseau diplomatique au monde Selon Rufin, sur bon nombre de sujets, les décisions échappent totalement au contrôle du ministre, Bernard Kouchner. « Les plus sensibles sont tranchées par Claude Guéant, qui est un préfet et n'a pas une connaissance particulière de l'Afrique », attaque l'ancien ambassadeur. « On n'est jamais trahi que par les siens », a rétorqué hier le ministre, qui avait nommé l'écrivain, ancien membre comme lui de Médecins sans frontières, à la tête de la plus grande ambassade de France en Afrique. Le porte-parole, Bernard Valero, a rejeté hier l'idée d'une diplomatie en crise. Avec 160 ambassades et un réseau unique d'établissements scolaires, le réseau diplomatique français est, par sa taille, le deuxième au monde, juste après les États-Unis. Derrière les douloureux arbitrages budgétaires, c'est un vrai choixpolitique qu'attendent les diplomates.
Court-circuité sur les dossiers africains, pris en étau par les coupes budgétaires, le Quai d'Orsay ne cache plus sa crise. « C'est un ministère sinistré », accuse Jean-Christophe Rufin, ex-ambassadeur à Dakar.